Naples à carreau
30 Juin 2018
Naples à carreau
On arrêtera là le cortège réglementaire (les farines, le bois de chauffe, les tomates...) pour aller droit au but : est-elle bonne ? La réponse est trois fois oui. Pourquoi ?...
Il y a un bon vieux Graal parisien qui ne prendra jamais une ride. Rien que d'écrire son nom fait tourner plus d'un oeil. Activer des pulsions sanguines, des embardées sonores. C'est la pizza, hélas vaste débâcle, branche presque sciemment sciée dans cet étrange rapport qu'affectionne Paris avec les cuisines dites " étrangères ". Bien souvent, la pizza parisienne est sans âme. Elle triche trop : dans les produits, dans la pâte, même dans la bonne humeur transalpine surjouée par des lascars en fausse moustache. Voilà pourquoi l'arrivée d'une - nouvelle pizzeria dans la capitale est toujours un moment attendu. Après les désillusions d'adresses surmédiatisées, on pouvait craindre le pire avec ce restaurant glissé en lieu et place de Vivant Table, rue des Petites-Écuries. C'est une Napolitaine, Graziella Buontempo, qui a relevé le défi aux côtés d'Arnaud Lacombe (Vivant, avec Pierre Touitou). Pour cela, ils ont soulevé des montagnes (un four de 2,4 tonnes) et effectué d'incessants allers-retours avec la capitale de la Campanie, histoire d'être en phase avec les normes de la vraie pizza napolitaine établies par l'AVPN (Associazione Verace Pizza Napoletana). Car on ne rigole pas avec ce disque magique. La margherita ne doit pas dépasser 35 centimètres de diamètre (ici, elle en fait 33), le bord doit être surélevé de 1 à 2 cm, tandis que l'épaisseur du centre ne doit pas excéder 0,4 cm. Pas question d'utiliser le rouleau à pâtisserie pour le façonnage de la pâte, encore moins des machines mécaniques. On arrêtera là le cortège réglementaire (les farines, le bois de chauffe, les tomates...) pour aller droit au but : est-elle bonne ? La réponse est trois fois oui. Pourquoi ? Sans doute parce que la cuisson est d'une -violence inouïe (450-480 °C), faisant littéralement " exploser " la pâte. Elle vous délivre une pizza saisie au vif, captée dans sa vérité. Après cela, silence d'église, car on mange. Sans parler, surtout : l'expérience prouve que si parfois on abandonne la pizza, c'est qu'elle est devenue froide. Morte, quoi. Il s'agit donc de la déguster avec une maîtrise de samouraï. Ensuite, on portera un oeil apaisé sur le cadre délicieux de cette ancienne oisellerie, remaniée par Pierre Jancou (aujourd'hui à l'Achille), drainant la clientèle pimpante d'un quartier en plein souffle.
par françois simon